Claire Amodru : 0% de perte de matière, 100% naturel, changer l'industrie une maille à la fois

Échantillon Tartan, Claire Amodru. DR
Échantillon Tartan, Claire Amodru. DR

Tu es diplômée de l’École en 2018, peux-tu nous dire comment tu as vécu ta formation et ce que l'école t'a apporté, tant sur le plan professionnel que personnel ?

C’est un peu perdue, après un parcours tout tracé en arts appliqués et en BTS design de mode, que j’ai découvert par hasard l'École de la Maille de Paris.

Ayant eu une éducation Montessori, enfant, j'ai toujours été très créative et manuelle mais je n’avais aucune appétence particulière pour la maille (la seule limite à ma patience légendaire est le tricot main. C’est simple, ça me rend méchante !).

Je n'avais même jamais envisagé que cela puisse être un métier à part entière, avec un savoir-faire précieux. La maille c’est la meilleure chose au monde. On crée notre propre matière et les possibilités créatives et d’innovation sont infinies ! Pour la première fois, dans mon parcours éducatif, je me suis sentie à ma place.

L'approche bienveillante, l'absence de notes, les valeurs de l'école centrées sur le développement durable, et les enseignements variés en mode, design, théâtre et écriture, ainsi que la diversité des parcours de chacun, créaient une bulle magique et intemporelle dont nous ne voulions pas sortir.

« La maille c'est la meilleure chose au monde. On crée notre propre matière et les possibilités créatives et d'innovation sont infinies ! [...]. »

 

Molli, Maille Vannerie, Claire Amodru.
Molli, Maille Vannerie, Claire Amodru.

Peux-tu nous dire quelles compétences singulières l'École t'a données qui te sont utiles aujourd'hui ?

À l’école, j’ai acquis des compétences en technique maille et modélisme maille. Un savoir-faire encore rare, car la plupart des stylistes en poste actuellement proviennent de formation chaîne et trames. Le fait d'avoir appris sur une machine à tricoter mécanique me permet aujourd'hui de communiquer efficacement avec mes collaborateurs dans les usines, car nous parlons le même langage.

Je me rappellerai toujours de la première fois où j'ai rencontré un technicien en maille d'une usine française avec laquelle je collaborais. En lui remettant une maquette d'un pas de rayure en fléchage, j'ai vu dans ses yeux une lueur de bonheur, celle de se sentir enfin sur la même longueur d'ondes qu'une styliste spécialisée dans la maille. Cela m'a comblée de joie !

L'École m’a aussi fait comprendre que le monde de la mode ne ressemble pas forcément au « Diable s’habille en Prada ». Il ne tient qu’à nous de créer un environnement de travail sain et bienveillant. 

Enfin, elle m'a enseigné à adopter une autre perspective. En tant que designer, je suis consciente que l'industrie de la mode est la deuxième plus polluante au monde. Il nous incombe donc de repenser notre manière de travailler et de créer, afin de contribuer à la révolution éthique qui est à nos portes.

La volonté de consommer moins mais mieux, avec un retour au slow fashion et à l'artisanat, va de pair avec ce savoir-faire ancestral. La maille, quant à elle, répond le mieux à ces enjeux.

Dans ma pratique, je tricote en "Fully fashion", c'est-à-dire à mesures, ce qui implique 0% de pertes de matière. Il est crucial de noter que 35% de la pollution par des microplastiques provient des vêtements synthétiques. C'est pourquoi j'utilise des matières 100% naturelles, 100% recyclables et biodégradables, privilégiant les sources les plus locales possible ou issues de stocks dormants (deadstock). 

Il nous reste un long chemin à parcourir mais je suis convaincue que la maille est l’avenir de la mode.

 

« Elle m'a enseigné à adopter une autre perspective.

En tant que designer, je suis consciente que l'industrie de la mode

est la deuxième la plus polluante au monde. »

 

Molli, la maille précieux irlandais, Claire Amodru. DR
Molli, la maille précieux irlandais, Claire Amodru. DR

Quel a été ton parcours après l'école et ton activité actuelle ?

J’ai fait mes armes auprès de Risto Bimbiloski, un styliste maille free-lance qui comptait parmi ses clients Courrège, Poiret, Koché, Balenciaga, Martin Rose… 

J’ai la chance d’avoir cet humain merveilleux et son chat Matso comme mentor. Je n’aurais pas pu rêver mieux.

Par la suite, j’ai été stagiaire chez Nina Ricci ce qui a confirmé que le luxe n’était pas ce que je préférais, sur le plan humain mais aussi professionnel puisque mon métier est Taylorisé alors que je l’aime dans son entièreté : du crayon jusqu’à la production. 

J'ai ensuite rejoint une maison parisienne spécialisée dans la maille et bim ! Le confinement nous est tombé dessus ! 

Ce fut une chance puisque j’ai remplacé la styliste maille pendant un an en étroite collaboration avec cette maison. Une histoire d’amour est née avec cette marque 100% maille aux collections créatives, confortables et délicates. 

Je suis aujourd’hui en free-lance, je continue à travailler de temps en temps avec la maison parisienne aux côtés d’autres clients formidables, comme la marque Fata Fea, qui tentent de changer notre manière de concevoir la mode de façon éthique et durable.

Je suis aussi professeure à l’École de la Maille de Paris, où je  donne des cours de technique sur machine à tricoter, des cours de style, d’illustration. 

Et cette année j'ai créé Le ciné club de l’École de la maille de Paris en collaboration avec la Filmothèque du quartier latin, un rêve de gosse!

 

Une anecdote de ta scolarité que tu as envie de partager ?

Je me souviens du partenariat avec l'Odéon et d’avoir été chamboulée de la meilleure des façons par des œuvres où il pleuvait sur scène, des trois sœurs de Tchekhov où l'on chantait Britney Spears, ou encore par une pièce de quatre heures, en Néerlandais sous titré ! 

Je me souviens aussi d’avoir pleuré comme une madeleine en voyant ma collection de fin d’étude défiler et recevoir le prix de l’École. Ma toute première collection prenait vie sous mes yeux.

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Pour découvrir le portfolio de fin d'études de Claire :

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