Aloys Picaud est né dans une famille de céramistes et de peintres. Il se familiarise très vite au travail de la terre, des encres, des émaux et de la peinture. Il se sent également attiré par le théâtre et le costume de scène. Aloys découvre que le textile est un moyen d'expression aussi fort que ceux qu’il a déjà expérimentés. Grâce à plusieurs rencontres, il se tourne vers la maille, une matière qui lui semble à la fois malléable et très expressive. Après trois ans passés à l’Ecole de la Maille de Paris et une spécialisation autour du costume de scène, il consacre deux ans à la plumasserie et une année à la broderie.
Tu es diplômé de l'Ecole en 2017, peux-tu nous dire comment tu as vécu ta formation et ce que l'école t'a apporté, tant sur le plan professionnel que personnel ?
Le mot clé qui résume l’école, c'est empirisme. Les enseignants nous demandent des choses et nous expliquent ensuite, après avoir regardé ce que nous avons produit, comment trouver le chemin plus facilement. Cette approche permet de mieux retenir la « bonne » solution et de faire surtout beaucoup de découvertes.
Cette école est placée sous le signe de la pluridisciplinarité. Pour être créatif il est important de s’intéresser à la littérature, à l'anthropologie ou à la botanique par exemple. Beaucoup de savoirs, de disciplines que l'on est invité à découvrir.
Et puis, et j’allais dire surtout, à la différence de beaucoup d'écoles, les élèves ne sont pas en concurrence. Chaque cours débute par un tour de table consacré à nos avancées dans nos collections. Chaque élève peut faire part de ses doutes, et entendre les retours bienveillants des autres sur ses « sorties de route », poser des questions. Ce climat d’entraide met en confiance et permet à chacun de mettre en avant ses qualités, de s’interroger sur ses défauts.
« Cette école est placée sous le signe de la pluridisciplinarité. [...]
Beaucoup de savoirs, de disciplines que l'on est invité à découvrir. »
Quelles compétences singulières l'école t'a t'elle données et qui te sont utiles aujourd'hui ?
Le recours au système D ! Quand on est auto-entrepreneur et/ou artisan on doit savoir faire des miracles avec une cacahuète et un trombone! Et peu importe la formation, on doit savoir être maçon, ébéniste si besoin. Grâce à l'école, j'ai pu approcher beaucoup de matériaux et d'outils qui ne semblent pourtant pas adaptés au textile.
« Nous sommes très recherchés [...] j'ai même des échantillons outre atlantique pour une grande maison. [...] cette école permet d'aller dans de très nombreuses directions. »
Quel a été ton parcours après l'école et ton activité actuelle ?
La transition est souvent difficile entre l'école et le travail. Moi, j'ai tout de suite su que je ne voulais pas être derrière un ordinateur à faire des fiches techniques et de la gestion de stock. J'ai donc opté pour une approche artisanale du métier, bien sûr j’ai connu des déboires administratifs et il a fallu que j’apprenne à gérer mon temps, à m’organiser. Je me suis aussi créé une identité professionnelle et j’ai conçu une stratégie de communication.
Dans l'industrie de la mode, beaucoup de gens pensent connaître la maille parce qu’ils savent faire la différence entre des côtes et du jersey, et pour un jeune diplômé d’une école de maille qui débarque, ce n’est pas facile de leur expliquer ce métier. Et il est encore plus difficile de faire remonter l'information jusqu'aux studios où les DA ont une image incomplète de la maille et où il n’y a pas de budget pour la maille.
Mais finalement, tous ces gens partagent la même passion, c’est-à-dire créer, et de ce point de vue, l’école a une image formidable.
J’ai rencontré de vrais stylistes maille dans de grandes maisons de mode françaises, et ils m’ont tous dit des choses géniales. On m’a même assuré que, plus qu’un styliste, j’étais un véritable artiste de la maille. De quoi rougir, vraiment. Nous sommes très recherchés en fait, la preuve j'ai même des échantillons outre atlantique pour une grande maison. Je me suis aussi tourné vers l'architecture d’intérieur où il y a plus de moyens et où la maille n'est pas un mot tabou. Je viens aussi d’être contacté pour des bracelets de montre pour une grande marque horlogère suisse. Bref, c’est très varié. Et puis, en parallèle, je travaille comme plumassier avec Maison Vermeulen où on est en train de lancer un pôle tissage pour compléter l'offre. Bref, cette école permet d’aller dans de très nombreuses directions, c’est pour cette raison qu’il faut la recommander à ceux qui hésitent sur la direction à prendre dans ces métiers de la mode. Non seulement, ils obtiendront une vraie formation dans le domaine précis de la maille, mais ces trois années leur permettront d’être disponible pour plein d’autres activités.
Une anecdote sur l'école ?
Oui, la tête que j’ai faite quand j’ai découvert qu’on était quatre élèves en tout et pour tout. Et puis après j’ai réalisé combien « small is beautiful ». Je sais que depuis les effectifs se sont accrus, heureusement. Mais de toutes les façons, l’École de la Maille de Paris c’est à la fois une école mais aussi un studio et un atelier, donc de petits effectifs. C’est ce qui fait sa qualité.
En savoir plus sur Aloys Picaud : https://apsmparis.com/
Lire l'article FranceInfo de Corinne Jeammet